Dans l’effervescence des expositions photographiques normandes, un nom revient avec la constance des marées : Sylvie Jauffrion. Rencontre avec une autodidacte dont le parcours épouse les méandres d’une passion née dans l’enfance, mûrie au gré des voyages et sublimée par la convivialité des associations de photographes.

Sylvie Jauffrion puise ses premières émulsions dans les années 1980, quand un Canon Reflex accompagne son périple mauricien en 1989. Cet achat décisif – plus qu’un simple appareil, un passeport visuel – scelle une relation intuitive avec la photographie. « Depuis mon enfance j’ai toujours aimé la photo », confie-t-elle, esquivant les théories pour privilégier l’expérience sensorielle. Son approche rappelle les travaux de Vivian Maier, où l’instinct prime sur le formalisme.

Armée d’un Canon EOS 250D et de deux objectifs (18-55 mm et 55-250 mm), Sylvie cultive un minimalisme pragmatique. Son trépied n’est pas un accessoire mais un complice pour immortaliser les lumières fuyantes de l’animalier ou les paysages normands. Face aux défis techniques, elle adopte une stratégie collaborative typique des cercles amateurs : « Quand on est en association, on s’entraide ». Une philosophie qui transcende la simple capture d’image pour devenir acte social.

Son exposition phareCarnaval Vénitien à Annecy, naît d’un récit familial transformé en quête chromatique. Les costumes bariolés deviennent prétextes à explorer la dualité ombre/lumière, thème récurrent qu’elle travaille au cyanotype – technique alternative où le ferrocyanure dialogue avec la lumière. « J’aime bien le cyanotype », avoue-t-elle, trahissant une attirance pour les procédés historiques qui relient alchimie et photographie.

Passage obligé de son évolution, l’association Objectif Déclic fonctionne comme catalyseur : « Depuis que je suis à l’association, je participe à des expositions ». Cette transition de l’amateurisme à l’exposition relève moins d’une stratégie que d’une sérendipité collective. La sélection des clichés exposés devient exercice d’équilibriste : « Pas toujours facile de trouver celles qui seront exposées », un dilemme connu des photographes émergents confrontés à la subjectivité curatoriale.

Ses projets ? Un safari photo en Afrique, réponse évocatrice à qui cherche dans la photographie un prolongement du voyage. Ce désir d’immersion animale et paysagère rappelle les travaux de Nick Brandt, tout en s’ancrant dans une démarche personnelle : capter l’éphémère pour mieux apprivoiser l’ailleurs.

« La photo, c’est une passion ». Cette épure résume une pratique où la technicité le cède à l’émotion pure. Dans un monde photographique obsédé par la surinterprétation conceptuelleSylvie Jauffrion incarne une authenticité rafraîchissante – celle qui préfère improviser au bord des étangs normands que de théoriser sous les projecteurs. Son œuvre, modeste en apparence, questionne l’essence même de la pratique amateur : un art de voir avant de montrer.