Dans le paysage photographique normand, une artiste transforme le banal en extraordinaire grâce à une alchimie singulière mêlant intuition et patienceDany Caublot, membre active de l’association Objectif Déclic, incarne cette photographie organique où le hasard se mue en intention créative. Son parcours révèle comment l’émulation collective et l’observation minutieuse du quotidien peuvent engendrer une œuvre personnelle forte.

C’est à 11 ans que Dany Caublot reçoit son premier appareil photo, un Instamatic Kodak offert par son parrain. Cet objet technologique des années 1970, utilisant des cassettes de film 126, devient son compagnon d’exploration visuelle : « A partir du moment où j’ai eu mon Kodak, je n’ai plus arrêté de photographier la famille, les animaux et les fleurs« . Loin des sophistications numériques contemporaines, cette initiation analogique forge son rapport sensoriel à la photographie – déclic mécaniqueodeur du filmattente du développement.

Ses influences artistiques tissent une passerelle entre proximité et universalitéViviane Meyer, photographe suisse connue pour ses portraits urbains en noir et blanc et Steve McCurry, auteur du célèbre « Afghan Girl« , orientent son regard vers une esthétique humaniste où l’émotion prime sur la technicité. Ce double ancrage local et global se retrouve dans sa pratique hybride mêlant instantanés familiaux et quête de beauté universelle.

Le style de Dany Caublot se définit par un paradoxe créatif : une spontanéité apparente nourrie par une réflexion technique approfondie. Son équipement – Canon EOS 750D avec objectifs 18-55mm, 55-250mm et 150-600mm – témoigne d’une approche pragmatique adaptative. Le trépied et le flash cobra complètent cette panoplie du chasseur d’images prêt à saisir toute opportunité visuelle.

Sa série phare « La forêt givrée » illustre ce processus créatif. Un matin d’hiver, la découverte fortuite de cristaux de givre sur un Vélux devient déclencheur artistique : « Les formes évoquaient une forêt miniature, j’ai shooté sans projet précis avant de découvrir en post-prod le potentiel chromatique« . Par des ajustements numériques subtils, elle amplifie les reflets irisés, transformant une observation banale en invitation au merveilleux. Cette dialectique entre capture brute et retouche mesurée caractérise son approche : 70% d’improvisation sur le terrain, 30% de travail en chambre noire numérique.

La pratique de Dany Caublot dépasse la simple production d’images. Chaque exposition devient laboratoire d’interactions sociales où le public active le sens des œuvres. Son critère de réussite ? « La photo qui provoque le débat, fait discuter les spectateurs« . Cette position anti-dogmatique s’incarne dans ses choix curatoriaux : sélection des clichés via des consultations collectives au sein de l’association, acceptation bienveillante des critiques comme leviers de progression.

Son exposition sur les givres fonctionne comme métaphore de cette philosophie. Les cristaux éphémères, par leur structure fractale et leur mutabilité, symbolisent à la fois la fragilité du vivant et la persistance des formes naturelles. Le titre « La forêt givrée » joue de cette ambivalence entre réel (formations glacées) et imaginaire (paysages sylvestres fantasmés). Une dialectique renforcée par les réactions du public : « Les observateurs voient d’abord la forêt avant de percevoir le givre« , notant ainsi le pouvoir illusionniste de la photographie.

Contrairement aux approches hyper-planifiéesDany privilégie une stratégie de disponibilité visuelle permanente. Son rituel se résume à « toujours avoir l’appareil à portée de main« , prêt à capturer les « micro-événements » du quotidien. Cette vigilance active s’accompagne d’une maîtrise technique éprouvée : gestion des ISO en lumière rasante, utilisation du mode rafale pour les scènes évolutives, exploitation des focales variables selon les sujets.

Sa gestion des imprévus illustre cette agilité. Face à une voiture s’immisçant dans son champ de prise de vue pendant un reportage en extérieur, elle transforme l’obstacle en opportunité compositionnelle, intégrant le véhicule comme élément de narration contextuelle. Ces adaptations permanentes forgent une pédagogie implicite : l’art de voir procède autant de l’intention que de la contingence.

Si la Normandie reste son biotope créatif principalDany Caublot nourrit le projet de retourner à l’Île Maurice, lieu d’un voyage fondateur où elle expérimenta pour la première fois la photographie sous contraintes lumineuses tropicales. Ce désir de confrontation avec d’autres latitudes climatiques et culturelles signale une évolution vers une pratique plus documentaire, sans abandonner sa quête d’instants poétiques.

Son approche collaborative – travaux en binômeateliers partagés – esquisse une nouvelle voie pour la photographie amateur. En transformant l’exposition collective en laboratoire d’idées plutôt qu’en simple vitrine, elle réinvente les modalités de la création partagée.

À travers ce parcours sans artificeDany Caublot démontre que la photographie reste avant tout un art de la relation – au monde, aux autres, à soi-même. Sa modeste ambition ? « Transmettre un amour de la vie sur cette planète par la beauté des êtres et des choses« . Preuve que les révolutions visuelles naissent parfois dans l’intimité d’une association, loin des feux médiatiques mais au plus près de l’humain.