Dans l’univers foisonnant de la photographie contemporaine, Mélanie Fievet incarne une démarche artistique ancrée dans l’authenticité et l’instinct. Nourrie par des souvenirs d’enfance matérialisés par des appareils jetables, son parcours révèle une quête permanente de moments volés à l’éphémère. Sa série « Souvenirs finlandais », centrée sur des aurores boréales capturées lors d’un voyage, dévoile une photographe pour qui la technique s’efface devant l’émotion brute. À travers son Nikon D5300 et ses objectifs 10-20 mm et 55-300 mm, elle explore une vision organique où règles et plans prémédités cèdent la place à une symbiose avec le vivant.

La genèse de sa pratique remonte aux sorties scolaires des années 1990, où l’appareil photo jetable figurait comme un compagnon de liberté. « On pouvait emporter un appareil jetable en sortie scolaire si on voulait, alors j’ai voulu en avoir un pour garder des souvenirs », confie-t-elle, soulignant comment cet objet rudimentaire a cristallisé son désir de fixation mémorielle. Loin des considérations techniques, cette époque forge une philosophie : la photographie comme extension sensorielle, capable de saisir l’impermanence des expériences partagées.

Le passage au numérique marque un tournant décisif, libérant sa créativité de la contrainte financière des pellicules. Cette transition n’est pas qu’une évolution technologique : elle symbolise l’accès à une forme d’abondance créative, où l’erreur devient un laboratoire d’expérimentation plutôt qu’une limite.

Contrairement aux approches surplanifiées, Mélanie privilégie une immersion totale dans l’instant. Ses clichés animaliers – domaine où elle excelle – naissent d’une interaction mouvante avec le sujet. « En action, on ne peut pas vraiment préparer les animaux », explique-t-elle, révélant comment son objectif 55-300 mm devient le prolongement d’un regard en alerte permanente. Cette réactivité s’étend à ses portraits, où elle capture des poses « naturelles et non contraignantes » par une présence discrète et une intuition aiguisée des micro-expressions.

Son équipement – Nikon D5300 avec objectifs grand-angle et télézoom – reflète une dualité maîtrisée. Le 10-20 mm capture l’immensité des paysages finlandais, tandis que le 55-300 mm permet des zooms serrés sur les chevaux en mouvement ou les détails furtifs de la faune. Ce choix stratégique illustre une connaissance intime des capacités de chaque lentille, sans pour autant sacraliser le matériel.

Si la prise de vue relève de l’instinct, le post-traitement devient chez elle un espace de réparation poétique. Le « correcteur de voile », technique qu’elle affectionne particulièrement, permet d’atténuer les volutes de sable soulevées par les galops équins. « On ne peut pas empêcher le sable de voler, mais on peut réduire ce voile », précise-t-elle, démontrant une approche pragmatique où la retouche ne trahit pas la réalité, mais en sublime les aspérités.

Sa série puise dans un voyage où les aurores boréales ont joué un rôle cathartique. Attendant des heures dans le froid pour capter ces phénomènes atmosphériques, elle décrit un processus quasi méditatif : « Les formes changent rapidement, ce qui donne beaucoup de photos différentes ». Ces clichés transcendent la simple documentation pour devenir des archives sensorielles, où la vibration chromatique de l’appareil dépasse les perceptions oculaires.

Des chevaux en action aux levers de soleil, en passant par les brumes matinales, son œuvre célèbre une nature à la fois majestueuse et intime. La famille émerge comme sujet récurrent, non sous forme de portraits posés, mais à travers des « instants de vie » dérobés au flux temporel. Cette obsession du présent transparaît dans sa définition d’une bonne photo : « Une photo qui plaît à celui qui l’a faite, qui dégage une émotion, qui nous parle ».

Choisir les clichés exposés relève chez elle d’un équilibre délicat entre attachement affectif et rigueur narrative. Pour « Souvenirs finlandais », le tri parmi les multiples variations d’aurores boréales a nécessité un recul critique : « Le choix a été difficile car chaque photo montre une configuration unique ». Ce processus révèle une photographe consciente que l’exposition constitue un langage à part entière, nécessitant cohérence visuelle et émotionnelle.

Face aux retours du public, Mélanie adopte une posture remarquablement détachée : « Je prends les avis de chacun, positif ou négatif […] car on a tous une vision propre ». Cette attitude, loin de l’indifférence, témoigne d’une confiance en son intuition créative, tout en reconnaissant la subjectivité inhérente à toute interprétation artistique.

Mélanie Fievet incarne une génération de photographes pour qui la technique n’est qu’un outil au service d’une quête existentielle : cristalliser la beauté évanescente du quotidien. Son refus des dogmes esthétiques (« sans trop me préoccuper des règles ») et son attachement viscéral à l’instantanéité ouvrent une réflexion sur l’essence même de la pratique amateur.

Pour progresser, elle suggère implicitement une voie : cultiver une sensibilité aiguë à son environnement, transformer les contraintes (lumière difficile, sujets imprévisibles) en opportunités créatives, et surtout, préserver ce plaisir primal qui fit d’un appareil jetable un objet de pouvoir mémoriel. Dans un monde saturé d’images retouchées et surinterprétées, son travail rappelle que la photographie reste avant tout l’art de voir – avec le cœur autant qu’avec l’œil.